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03/03/2012

Vivendi et EMI : Ce rachat était-il seulement motivé par des économies d'échelle et le développement de synergies ?

L'annonce du rachat d'EMI en novembre 2011, par Universal, filiale de Vivendi, a suscité la polémique dans le monde de la musique. Déconçée comme une dérive oligopolistique, cette acquisition a été justifiée par le groupe comme génératrice d'économies d'échelle. Mais, en était-ce la seule raison ?
 
Initialement baptisé Compagnie Générale des Eaux, le groupe Vivendi est une des plus grandes multinationales mondiales opérant dans la communication et le divertissement. Le nom de Vivendi a été adopté en 1998 pour signifier le tournant stratégique du groupe, du service aux collectivités territoriales vers les médias et télécommunications, initié par Jean-Marie Messier.

Le groupe s’est renforcé à la fin des années 90 et a connu un essor fulgurant sous la présidence de Jean-Marie Messier. Ancien associé de la banque Lazard, M. Messier arrive à la tête de la Compagnie Générale des Eaux en juin 1996. Charismatique PDG, il croit dur comme fer que l’avenir appartient aux nouvelles technologies et aux médias. C’est sur ce terrain qu’il veut faire figure de pionnier pour préempter ce marché naissant. Il aura raison mais sûrement quelques années trop tôt et ses investissements débridés dans le monde des médias mèneront le groupe au bord du gouffre financier. Après le départ de M. Messier suivra une période difficile, de 2002 à 2004, au cours de laquelle Jean-René Fourtou et Jean-Bernard Lévy redresseront Vivendi.

Aujourd’hui, les principales filiales du groupe sont SFR (détenu à 100%), le Groupe Canal + (détenu à 100%) ou encore Universal Music Group (détenu à 100%). C’est cette dernière qui a récemment fait parler d’elle. Depuis le rachat de son concurrent direct, EMI Group en novembre 2011, Universal est devenue une des trois grandes majors qui contrôlent le marché du disque. Le rachat d’EMI par Universal a entrainé de vives protestations, notamment de la part des labels indépendants qui ont vu dans cette opération une asphyxie de la concurrence et une dangereuse concentration du marché. En effet, depuis le rachat d’EMI, Vivendi est un des principaux fournisseurs de contenus mondiaux et contrôle l’ensemble de la chaine de valeur du marché du disque : de la production à la distribution.

La convergence numérique constitue un élément essentiel de la stratégie de Vivendi. En mariant contenus et contenants, les différentes activités du groupe appartiennent désormais toutes au secteur du numérique et des nouvelles technologies.

La complémentarité de ces activités permet, en premier lieu, de développer des synergies et des économies d’échelle permettant de satisfaire la croissance organique du groupe. De plus, la stratégie d’innovation de Vivendi s’appuie sur une proximité avec le consommateur final. Par cette intégration verticale, la major se rapproche de son client afin de comprendre et d’anticiper ses besoins.

Cependant, cette stratégie répond aussi à une évolution récente et majeure dans le monde de la musique et plus largement de la culture, celle de l’émergence de la dématérialisation et de la gratuité ou quasi-gratuité des produits musicaux. La musique a toujours, aujourd’hui, une valeur marchande. Néanmoins, depuis quelques années, avec le développement du piratage et d’acteurs du streaming, comme Spotify ou Deezer, elle apparaît gratuite par le consommateur final. Baser le modèle économique sur le canal classique de vente, sur des supports physiques et par l’intermédiaire de détaillants, en négligeant l’avènement du numérique, n’est plus pertinent pour les majors. Cette évolution du modèle de consommation implique alors que la valeur ne peut plus être captée à partir d’un acte d’achat du produit culturel en lui-même. Le contrôle du contenu et du contenant permettrait donc à Vivendi de monétiser ses produits via des plateformes de téléchargement légal. Ce n’est cependant pas là son unique objectif, car, en contrôlant l’ensemble de la chaîne de valeur, Vivendi se positionne de façon à transformer de son contenu un produit appel afin de modifier ses sources de revenus. En effet, la musique va naturellement se présenter non plus comme un contenu en lui-même, mais comme une publicité permettant d’attirer le consommateur vers les concerts, les spectacles vivants et les produits dérivés. Or, nous l’avons vu, ce sont précisément les mallions contrôlés par Vivendi actuellement, et notamment via Universal.

Finalement, la vente de la musique non plus comme un produit à part entière trouve comme corollaire le choix délibéré par les groupes tels que Vivendi, de contenus ayant le meilleur potentiel à toucher un large public et donc à fortiori un fort taux d’appel. A moyen terme, cela peut signifier pour l’industrie culturelle un nivellement des contenus au profit d’une logique purement financière et non plus artistique.
 
Sylvain Boivin
Article écrit avec la collaboration de Laure Vassal
Article publié sur la Baguette Culturelle ici



07/02/2012

L’Australie et la sécurité régionale depuis 2001, un renouveau stratégique ?


En 1994, est publié Defending Australia, le livre blanc de la défense, dans lequel le gouvernement australien élabore une nouvelle doctrine de défense du pays pour s’adapter au contexte d’un monde devenu unipolaire. Les autorités de Canberra entendaient ainsi développer leur autonomie sur le plan stratégique. Qu'en est-il aujourd'hui ?
 
Après la chute du Mur, les autorités australiennes pouvaient observer que malgré une alliance de longue date, les Etats-Unis n’envisageaient pas d’assurer pleinement le rôle de responsable de la sécurité dans la région Asie-Pacifique après la chute du bloc soviétique. Egalement, de grandes puissances régionales, comme l'Inde, la Chine, le Japon et l'Indonésie, jouaient un rôle de plus en plus important. Leur force économique croissante laissait naître l’idée que ces Etats étaient de plus en plus en mesure d'acquérir et d'utiliser des systèmes d'armes modernes. L’Australie avait donc conscience qu’elle devait affirmer son propre rôle afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts et de sa sécurité.

Pour garantir sa sécurité, ce pays a peu à peu décidé de favoriser une logique de coopération tout en développant une capacité de défense autonome. A travers plusieurs interventions multilatérales dans la région mélanésienne et du Pacifique Sud, l’Australie s’engageait à contribuer au maintien de la paix et de la sécurité dans la région.

L’apparition d’une instabilité régionale

Le désintérêt porté par les grandes puissances pour les territoires de la zone mélanésienne, après la guerre froide, a conduit à une montée des tensions entre groupes ethniques, notamment aux îles Salomon . Plus grave, la province du Timor Oriental fait sécession de l’Indonésie en 1999. Se met immédiatement en place une mission des Nations-Unies, l’ATNUTO auquel participe l’Australie afin de limiter les affrontements entre les autorités de Jakarta et la province rebelle.

Le 12 octobre 2002, les attentats de Bali provoquent la mort de près de 90 ressortissants australiens, et d’un peu plus de 200 personnes au total. Depuis lors, l’Australie a identifié l’Indonésie comme un pays d’accueil du terrorisme islamique radical, notamment le groupe Jemaah Islamiyah qui s’en prend directement à l’ambassade australienne en septembre 2004 . En réaction, l’Etat australien finance une cellule de lutte anti-terroriste à hauteur de 38 millions de dollars australiens : le « indonesia centre for law enforcement cooperation ».

En parallèle, confrontée à un problème de maîtrise de son territoire notamment lié à la porosité de sa frontière nord, l’Australie fait face à un afflux de migrants d’Asie Centrale et d’Asie du Sud-Est.

La montée de ces instabilités dans la région Asie-Pacifique entraine des difficultés pour le contrôle des réserves pétrolières du Timor et menace les voies d’approvisionnement de l’Australie. Par ailleurs, l’émergence des groupes terroristes représente un risque pour les citoyens australiens sur les territoires voisins, voire à terme sur son propre territoire. Enfin, les micro-Etats mélanésiens n’ont pas la capacité de surveiller leurs propres eaux, favorisant  l’intensification des trafics humains, d’armes et de produits illicites à proximité des frontières australiennes.

Le renouveau stratégique australien

Des coopérations multilatérales destinées à stabiliser la région

Pour répondre à ces problématiques de sécurisation de la région mélanésienne, l’Australie a décidé de participer à plusieurs interventions de maintien de la paix en s’appuyant sur le Forum des Iles du Pacifique (Pacific Islands Forum) . La plus importante d’entre elles est l’opération RAMSI (Regional Assistance Mission to Solomon Islands)  . Sollicitée par le Premier ministre des Iles Salomon en avril 2003 pour rétablir l’ordre sur son territoire, l’Australie se refuse à une intervention sans cadre légal international. Le 30 juin 2003 , les Etats-membres du Forum conviennent de la gravité de la situation en s’appuyant sur la déclaration de Biketawa, ratifiée trois ans plus tôt. Celle-ci permet une intervention combinée des pays de la région en cas d’urgence, notamment dans le cas de crises insurrectionnelles. Principalement composée de militaires et de policiers, l’opération est menée sous la direction de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande à laquelle participent également de manière mineure d’autres pays de la région.

Présente de manière continue depuis 1999, les forces armées et policières australiennes ont participé aux missions successives de maintien de la paix, sous mandat de l’ONU, au Timor Leste. L’actuelle opération, nommée ISF (International Stabilisation Force in Timor Leste) et mise en place en 2006, compte aujourd’hui un peu plus de 400 militaires australiens (et 80 néo-zélandais) . Dépendant des autorités de Canberra, via leur agence de développement AusAID , l’Etat du Timor oriental reçoit 120 millions de dollars australiens chaque année (entre 2009 et 2014). Le gouvernement australien s’assure en retour du maintien de ses intérêts  sur les réserves pétrolières timoraises et de la stabilisation de la situation politique et économique du pays.

Dans le but de  contrôler l’immigration clandestine vers l’Australie, les autorités de Canberra ont mis en place une série de coopérations principalement avec l’Indonésie et les micro-Etats insulaires, nommée la « Pacific solution » . Les autorités de Canberra ont ainsi négocié en 2001 la mise en place d’un centre de détention sur l’île de Nauru, Etat officiellement indépendant mais vivant dans une dépendance totale vis-à-vis de son voisin. Cet accord a pris fin en 2007 à l’initiative du nouveau gouvernement australien. Néanmoins, depuis 2010, une réactivation de cette politique est évoquée par les médias australiens .

Des alliances bilatérales construites face à la montée en puissance chinoise

Alors que le traité de coopération militaire ANZUS (Australie, Nouvelle-Zélande, Etats-Unis) est de fait suspendu depuis 1985, suite à l’interdiction de tout matériel nucléaire sur le territoire néo-zélandais, l’Australie a maintenu une coopération bilatérale avec ces deux Etats.

Cherchant à mettre en place des actions ponctuelles de stabilisation des Etats du Pacifique et d’Asie du Sud Est, Canberra a agi à plusieurs reprises comme fer de lance d’alliances militaires et policières auxquelles participent ou ont participé les autorités de Wellington.

De même, l’Australie a décidé de renforcer sa coopération avec les Etats-Unis afin que ses forces restent interopérables. Cependant, sa coopération ne vise pas seulement à garder ses unités intégrables aux forces américaines, mais de répondre aussi à la problématique de montée en puissance de la Chine dans la région .
Longtemps  perçue uniquement au travers de la problématique de l’immigration, la Chine est devenue omniprésente dans l’environnement diplomatique et commercial de l’île-continent. Les autorités de Canberra mènent un jeu d’équilibriste avec l’empire du milieu sur deux points. Alors que Taiwan constitue un des principaux partenaires commerciaux de l’Australie, cette dernière ne reconnaît pas ce territoire comme un Etat souverain, laissant entendre que l’Australie n’emmétrait pas de condamnations en cas de rattachement de Taiwan à la Chine continentale. Plus épineuse encore est la relation triangulaire entre la Chine, les Etats Unis et l’Australie. Les gouvernements américain comme australien sont conscients de la dynamique de croissance qu’insuffle les pays d’Asie pour le reste du monde dont leurs propres Etats. Mais la Chine est aussi le nouveau pouvoir en expansion, observé avec circonspection par les gouvernements occidentaux. L’Australie est donc un allié majeur des Etats-Unis pour maintenir une importante capacité militaire en Asie-Pacifique . Pour leur part, les autorités de Pékin n’hésitent plus a ouvertement menacé  l’Australie lorsque celle-ci renforce sa coopération militaire avec Washington. L’Etat américain entend en effet implanter d’ici 2017 une base (2.500 hommes) sur la cote nord de l’île-continent.

Sur le plan économique, la Chine constitue depuis le milieu des années 2000 le premier partenaire commercial de l’Australie, notamment en matière énergétique : l’Australie étant depuis 2002 le principal fournisseur de gaz liquéfié de la République populaire (contrat de 25 milliards de dollars australiens sur 25 ans) , et signant en 2006 un accord d’exploitation des gisements d’uranium australiens.

Une rupture de la doctrine stratégique

Depuis la parution de Defending Australia en 1994, la pensée stratégique australienne a évolué : d’abord avec le livre blanc de 2003 (publié peu après les attentats de Bali), puis avec celui de 2009. Aujourd’hui, le gouvernement n’appréhende plus l’Australie comme une « forteresse ». Plutôt que d’assurer la sécurité sur ses côtes, Canberra prône une stratégie nettement plus dynamique qui consiste à engager l’adversaire au plus loin de son territoire .

Ainsi, la volonté des autorités est de pousser les moyens australiens de défense le plus au nord possible du continent, en direction de l’Indonésie et de la Mélanésie. Dans l’esprit des responsables de la Défense australienne, il s’agit donc d’interdire à toute puissance hostile l’invasion des innombrables îles de cette région. Ceci permettrait d’éviter leur utilisation comme bases arrière destinées à permettre des frappes en un quelconque point du pays.

Si les premières armes de l’Australie seront sa diplomatie et son économie pour maintenir la stabilité dans la région, le gouvernement se garde aussi le droit de prendre la tête d’une coalition si ses intérêts stratégiques sont menacés . Canberra insiste au niveau militaire sur sa capacité de projection avec le déblocage de 56 milliards d’euros sur 20 ans. Le gouvernement prévoit ainsi de développer le rayon d’action de ses avions de combat . Le pouvoir politique entend également améliorer ses capacités d’acquisition de renseignements (surveillance, reconnaissance, interception et écoute), notamment par le biais de satellites d’observation militaires et de drones. En matière d’armements navals, le gouvernement australien compte développer sa flotte de sous-marins. Ces derniers permettraient alors de donner à l’Australie des moyens de frappe à longue distance et une capacité de dissuasion qui lui fait actuellement défaut. A cela, elle ajoute l’acquisition des navires de projection et de patrouille. Enfin, concernant sa sécurité intérieure, le gouvernement australien garde l’Australian Defense Force comme support des opérations civiles, notamment vis-à-vis d’acteurs non étatiques  représentant une menace sur le territoire .
 
Sylvain Boivin
Article écrit avec la collaboration de Pierre Poullaouec


07/02/2012

Un nouvel objectif dans le viseur des Sociétés de Sécurité Militaires Privées françaises ?


Les Sociétés Militaires Privées sont de plus en plus présentes sur les théâtres de conflits internationaux et sont impliquées dans des missions autrefois réservées aux forces armées traditionnelles. Mais face à l’hégémonie anglo-saxonne, quel peut être l’avenir des Sociétés de Sécurité Militaires françaises dans ce secteur hautement compétitif ?

Depuis Executive Outcomes ou Sandline en Sierra Leone, au Liberia et en Angola dans les années 1990, les Sociétés Militaires Privées ne participent plus de manière directe aux combats mais occupent un large éventail des activités militaires, de la logistique au conseil militaire en passant par la prévention de la criminalité et du terrorisme.

Représentant plus de 200 milliards de dollars en 2008, ce marché en pleine expansion échappe malheureusement en grande partie aux Sociétés Militaires Privées françaises. En effet, suscitant l’intérêt de grands groupes de l’industrie de la défense (illustré par le rachat KBR par l'américain Halliburton et celui du britannique Armor Group, qui avait lui-même acquis DSL, par le groupe danois G4S), ce secteur a vu l’émergence d’acteurs anglo-saxons de grande taille et proposant un panel très varié de services.

Déjà peu nombreuses et de petites tailles, les possibilités d’actions des entreprises française restent en plus très limitées. Ceci est lié à la frilosité de l’Etat français à externaliser certains de ses métiers et à la loi française de 2003 encadrant leurs activités et censée limiter les éventuels dérapages. En effet, les autorités françaises sont réfractaires à l’externalisation de la fonction régalienne de Défense, qui, pour l’opinion publique, doit rester une activité exclusivement étatique. De plus, au niveau éthique, il est clair que la France ne veut pas être mêlée dans des scandales comme celui de Blackwater à Falloujah en 2004. Il faudra donc attendre tout d’abord un changement de mentalité du gouvernement français pour espérer voir émerger un groupe à portée internationale.

Mais si l’externalisation des activités militaires françaises parait être le relai de croissance le plus pertinent pour les Sociétés de Sécurité Militaires Privées françaises, il existe cependant de nouvelles opportunités. On distingue un savoir-faire de ces sociétés dans des problématiques de protection de personnes, de lutte contre le terrorisme, de formation et de sécurisation des installations. Or, ces compétences peuvent être mises au service des entreprises commerciales privées s’implantant dans des zones en voie de développement.

De fait, alors que le salut de la croissance française se trouve à l’international, certaines régions du monde, riches en ressources, représentent autant un levier de développement pour l’économie de l’hexagone que des zones à grands dangers. L’enlèvement des employés des groupes français Areva et Satom, filiale du groupe Vinci, dans la région d’Arlit, le 16 septembre 2010, par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) en est le révélateur alors que la majorité de l’exploitation d’uranium du groupe industriel se trouve dans cette zone du Niger. Ces zones, présentant des ressources en abondance, voit prospérer de multiples trafics avec en priorité le développement du trafic de drogue et du trafic d’armes, qui engendre l’apparition de seigneurs de guerre à l’influence grandissante sur ces territoires. Cette insécurité croissante peut se traduire par des enlèvements et des prises d’otage en échange d’une rançon. Plus grave, cela peut aussi se traduire en attaques armées contre des expatriés dont le pays d’origine est jugé comme l’« ennemi ». Couplé à la montée en puissance de ces groupes non étatiques, on observe aussi un déficit des Etats locaux à assurer leurs prérogatives régaliennes et une instabilité des gouvernements, ce qui n’arrange pas la situation.

Le personnel étranger n’est généralement pas autorisé à être armé. Il est donc inutile, dans bien des cas, de faire appel à des Sociétés Militaires Privées surarmées pour régler ces problèmes. Les intérêts stratégiques et financiers d’une implantation dans ces régions nécessitent la mise en place pour les entreprises de véritables fonctions support destinés à la sécurité. Ces divisions devront se consacrer à l’évaluation, l’anticipation et la prévention perpétuelles des risques. Le développement de telles fonctions permettra d’éviter les conflits et incidents de sécurité pouvant prendre des proportions considérables, et dont les retombées en terme financiers et d’images peuvent être considérables. Pour cela, les Sociétés de Sécurité Militaires Privées françaises peuvent jouer un grand rôle.

Elles n’ont pas forcément intérêt à vouloir égaler les entreprises britanniques et américaines du secteur. En effet, elles gardent certains avantages concurrentiels sur plusieurs niches en opérant sur des créneaux réduits où les grands prestataires de services privés n’ont ni ambition ni intérêts. Les entreprises de sécurités françaises disposent, par leur savoir-faire en intelligence économique et gestion des risques, les moyens de répondre aux problématiques de sécurité des entreprises souhaitant s’implanter dans des zones à risque. Elles sont aptes à décrypter les multiples enjeux, influences et multiculturalités de ces régions. Si leur taille peut poser problème, elles ont de multiples avantages liés à la France elle-même. En effet, le savoir-faire des anciens membres des services de renseignement, des forces spéciales et des unités de lutte antiterroriste françaises donne à ces entreprises une expertise incomparable. De plus, la France dispose de bonnes relations avec de multiples pays en voie de développement, ce qui apparaît comme un levier de coopération non négligeable. De par leur présence sur le terrain, les structures privées françaises peuvent permettre une grande remontée de renseignement. Mais plus que cela, les Sociétés de Sécurité Militaires Privées peuvent devenir un outil de puissance pour la France afin de lui permettre de se positionner comme une puissance mondiale dans l’environnement géopolitique actuel.

Cependant, les Sociétés de Sécurité Militaires Privées peuvent aussi s’associer avec des entreprises françaises autour de partenariats afin de créer de nouveaux métiers  (comme la restauration ou la logistique) à destination des entreprises nationales ou étrangères souhaitant s’implanter dans ces zones.

Dans ces régions instables, de nombreux métiers ne peuvent être assurés selon les mêmes processus qu’en temps normal. En effet, les activités de soutien et de logistique nécessitent un savoir-faire en matière de sécurité que seul des Sociétés Militaires Privées peuvent fournir. Ainsi, de nombreuses entreprises et groupes industriels français disposent d’une opportunité stratégique en s’alliant avec les Sociétés Militaires Privées françaises afin de créer de nouvelles structures, avec des processus de production de service adéquats et adaptés à la problématique sécuritaire de ces régions. Ces nouvelles structures disposeront alors d’un avantage concurrentiel qu’elles pourront faire valoir auprès des entreprises étrangères officiant dans ces zones.

Sylvain Boivin
Article écrit avec la collaboration de Simon Bourdet et de Bruno de Franclieu
Article publié sur le Portail de l'Intelligence Economique ici



06/02/2012

Martine Aubry VS. Jean-François Copé, qui chante le plus fort sur Twitter ?


Si le compte de Martine Aubry compte plus de followers que celui de Jean-François Copé, les deux personnalités ont une utilisation assez similaire de Twitter, à ceci près que Jean-François Copé montre une activité plus régulière.
 
Suite à son développement fulgurant, Twitter est devenu pour beaucoup de personnalités politiques un outil permettant de relayer leurs messages. S’il est clair que site de microblogging n’est pas forcément représentatif de l’opinion générale, il n’en reste pas moins un moyen intéressant de mesurer l’influence de certains acteurs sur l’Internet.

De nombreuses applications permettant de mesurer l’influence d’un acteur de twitter existent aujourd’hui. Pour beaucoup, elles ont l’avantage de présenter des fonctionnalités gratuites permettant de collecter des données sur le profil de l’utilisateur concerné (et n’impliquent pas non plus d’avoir un compte Twitter). Une petite étude comme celle présentée ci-dessous peut-être aisément retranscrite sur un acteur que l’on aura jugé comme influent par une analyse préalable de la sphère visée. Il est alors utile de se faire une idée du profil de l’utilisateur, ses habitudes, ses tweets, … dans une logique de cartographie des leaders d’opinion que l’entreprise pourra éventuellement approcher et/ou influencer.

L’analyse ci-dessous présente quelques outils gratuits testés sur les comptes twitter de deux personnalités politiques à poste équivalent, Martine Aubry (@MartineAubry) et Jean-François Copé (@jf_cope). Les données ont été collectées le 23 janvier 2012.

tableau-copie-1.jpg
La première étape consiste à connaître la date de création du compte twitter à partir de l’application whendidyoujointwitter. Dans notre cas, nous pouvons ainsi remarquer que Martine Aubry s’est appropriée Twitter plus tôt que Jean-François Copé.  Puis, nous pouvons analyser les trois statistiques principaux des deux comptes respectifs, à savoir le nombre de tweets, de followers ainsi que d’abonnements (ou followés). Le compte de Martine Aubry surclasse sur ces trois points celui de Jean-François Copé, ce qui semble logique puisque le compte de Martine Aubry est plus ancien.

Pour exploiter un peu plus ces premières données, nous pouvons calculer le nombre moyen de tweets sur 10 jours. Ce rapport n’apporte pas de précision sur la répartition de ces tweets sur une échelle temporelle depuis la création du compte. Cependant, il donne un ordre de grandeur sur la fréquence de tweets. Ainsi, nous pouvons désormais identifier une différence entre les deux comptes avec une plus grande fréquence de tweets en faveur de Martine Aubry.

Le ratio followers/followés permet d’appréhender le comportement du titulaire du compte twitter. On peut considérer que plus ce rapport est élevé, plus l’utilisateur vise une promotion de ses messages au détriment du développement des échanges au sein d’une communauté. Dans notre cas, après l’examen de ces ratios, Martine Aubry et Jean-François Copé semble ainsi destiner Twitter à un usage de promotion de leur message.

Plusieurs applications proposent un classement d’influence des acteurs de Twitter. Dans notre cas, nous en avons utilisé deux, retweetrank et tweet grader. En prenant en compte les tweets les plus récents, le nombre de followers, le nombre de retweets …, ces indicateurs comparent ces données par rapport aux caractéristiques des autres utilisateurs de Twitter, via un algorithme. Ces algorithmes sont différents d’un outil à un autre. On n’en connaît ni le contenu, ni la mécanique. Cela signifie qu’il faut utiliser ces applications avec précaution.

Notre cas en est d’ailleurs représentatifs, en passant d’une application à une autre, si l’ordre de grandeur est respecté (Martine Aubry en tête), les écarts de rangs de chaque acteur entre les deux classements sont tout de même élevés. De plus, sont présents dans le TOP 10 de retweetrank le Dalai Lama (@DalaiLama) ou encore Jim Carrey (@JimCarrey).

L’application friendorfollow permet d’obtenir un supplément d’information sur le profil de l’utilisateur du compte twitter et sa typologie comportementale. Cette application donne le nombre de personnes suivies par l’utilisateur qui ne suivent pas en retour et l’inverse, le nombre de followers non suivis par l’utilisateur en retour. Rapporté respectivement au nombre total de followés et de followers, on obtient des chiffres assez similaires entre les deux comptes. Pour les comptes twitter de Martin Aubry et de Jean-François Copé, près de 25 % des followés ne les suivent pas en retour et près de 98 % des followers ne sont pas suivies en retour. Ce constat vient confirmer la tendance mis en avant par le calcul du ratio followers/followés.

Enfin, l’application tweetstats permet d’obtenir des statistiques sur un compte particulier. On remarque que le compte de Martine Aubry montre le plus d’activité les jeudi et les mercredi, avec une majorité de tweets entre 10 h et 20 h. Le compte de Jean-François montre une activité plus uniforme dans la semaine, elle aussi de 10H à 20h, avec des pics d’intensité à 10h à 14h.

Toujours à partir de l’application tweetstats, le graphique ci-dessous reprend le nombre de tweets des deux comptes sur les 9 derniers mois.

graph-nombre-de-tweets.png 

Alors que l’activité du compte de Jean-François Copé est plutôt régulière, on remarque une très forte activité du compte de Martine Aubry du mois de juillet au mois d’octobre 2011, pour s’arrêter presque complétement les mois suivants. Ceci s’explique bien entendu par l’évènement de primaires socialistes et la campagne de Martine Aubry pour son investiture, pendant cette période. Cependant, on peut s’interroger sur la chute soudaine du nombre de tweets après les résultats de la primaire. En effet, le compte de Martine Aubry dispose de plus de 40 000 followers, ce qui représente une communauté non négligeable rassemblée autour d’une personnalité. Dans le cadre d’une politique d’E-Réputation, il serait surement intéressant pour l’équipe de Martine Aubry d’utiliser Twitter comme outil de relai des messages et de l’information afin de promouvoir le parti socialiste et son candidat. D’autant plus que les internautes sont généralement sensibles à la mise à jour régulière de contenus.

Enfin, tweetstats propose un nuage de mots clés et de Hashtag les plus utilisés. Pour chacun des deux comptes, on retrouve les nuages ci-dessous. Ces derniers sont un moyen intéressant d’identifier les éléments redondants des messages de chaque utilisateur. Ainsi, le compte de Martine Aubry a été beaucoup utilisé comme relai de l’information lors de sa campagne pour les primaires (mots clés « Aubry2012 »). Le compte de Jean-François Copé a été beaucoup utilisé comme relai de l’information lors de l’université d’été de l’UMP (mots clés « campus ump »). 

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Sylvain Boivin
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 24/01/2012

E-Reputation et Banques en ligne : Qui tire son épingle du jeu ?

E-reputation.pngDans le secteur des Banques en ligne, Boursorama s’impose comme le site le plus visité. Mais est-elle la seule marque soucieuse de son référencement ?


Pourquoi l’E-Réputation ?

L’image d’une marque est vitale pour construire une relation de confiance avec son client et prend une part considérable dans la valorisation financière des entreprises. A l’ère d’Internet et de la surabondance de l’information, la valorisation de ce capital immatériel, miroir d’une relation unique avec le consommateur, est souvent parfois plus élevée que celles des sites de production ou que celle des capitaux propres.

Alors qu’une communication publicitaire classique vise à convaincre par l’achat d’espaces média, Internet exige une logique bien différente reposant sur la prescription des Internautes qui peut devenir un véritable levier de développement commercial pour une marque. Il est donc primordiale pour chaque entreprise de développer une stratégie d’E-Réputation.

Cependant, avant même de développer une communauté de prescripteurs, chaque marque doit forger ce que l’on appelle son « identité numérique ». Celle-ci se définit par la présence de la marque sur le World Wide Web, étant composée de l’ensemble des traces accumulées volontairement ou non (sites institutionnels, blogs, forums, réseaux sociaux, articles, …). Ainsi, la construction d’un site Internet et la production de contenu sont devenus le minimum en matière de communication. Pourtant, encore faudrait-il que les Internautes puissent le voir. Mieux que cela, cette production de contenu « officiel » peut devenir le paravent des traces laissées par une précédente crise informationnelle et préjudiciables à l’image de la marque.

Il faut donc optimiser sa présence, notamment sur les moteurs de recherche et les requêtes, afin de générer du trafic vers le contenu que l’on maîtrise. Pour cela, il existe des outils gratuits permettant une analyse intéressante du référencement naturel de marques.

Les banques en ligne, un secteur dépendant de l’Internet

Le secteur de la banque en ligne est intéressant en terme d’E-Réputation. Pour trouver ses clients, ces sociétés ne disposent pas de points de ventes réels, mais uniquement de leur présence sur Internet. La suite de cet article est une analyse succincte du référencement naturel de 6 banques en lignes :

•    Boursorama
•    Fortuneo
•    CortalConsors
•    BforBank
•    Monabanq
•    ING Direct
 
Un premier examen du référencement naturel de ces 6 marques peut tout simplement commencer par une analyse des 10 premiers résultats de la première page de Google, après avoir tapé le nom de la marque comme requête. Google concentre 90 % des parts de marché des moteurs de recherche en France. Il est donc logique de concentrer d’abord ses efforts sur ce moteur. S’il n’est pas rare de voir sa marque référencée dès les premiers liens de la première page de résultats, il est cependant primordial de ne pas négliger les autres liens qui peuvent orienter l’Internaute vers des contenus non contrôlés ou négatifs. En développant différentes plates-formes de contenus, une marque peut surclasser dans la première page des résultats les liens susceptibles de lui être négatifs ou incontrôlables.
En ce qui concerne les 6 banques en ligne choisies, le graphique ci-dessous reprend pour chacune d’elles le rapport entre le nombre de liens qu’elles contrôlent et le nombre de liens total (y compris les liens sponsorisés) le 9 janvier 2012.

 Graph-maitrise-du-referencement.png

On remarque en premier lieu que Cortal Consors maîtrise 36 % des résultats de la première page Google. Ce résultat s’explique par la présence d’un lien sponsorisé, du site institutionnel, d’un site dédié au recrutement et enfin d’une plate-forme d’ordres et de formation au trading sur CFD et Forex. On trouve ensuite Boursorama et Monabanq avec une maîtrise du référencement Google de l’ordre de 27 %. Monabanq s’illustre aussi notamment par une page Facebook.
Cette première analyse nous permet de connaître en partie les marques les plus actives sur Internet.

En utilisant l’outil Google Ad Planner, nous pouvons obtenir une première image du nombre de visite sur chaque site. Le graphique ci-dessous reprend le nombre de visites sur les sites institutionnels de ces banques en lignes au 9 janvier 2012.

 Graph nombre de visites

Boursorama sort très nettement du lot en totalisant 27 millions de visites sur son site. Ceci s’explique par la capacité de Boursorama à s’imposer comme un site de référence en matière d’information économiques et financières. Si cela n’a pas de lien direct avec ses activités de banque en ligne, il est tout de même important de noter qu’avoir une telle visibilité sur le web accroit sensiblement la notoriété de la marque et génère une plate-forme appréciable de promotion de ses activités de banque en ligne.

Google Ad Planner fournit aussi une estimation du nombre de visiteurs uniques comme le montre le graphique ci-dessous (résultats au 9 janvier 2012 pour la France). 

Graph-nombre-de-visiteurs-uniques.png

On notera les mêmes conclusions que pour le précédent graphique avec un net avantage de Boursorama.
Pour continuer l’analyse, on peut calculer un taux moyen de fidélisation, c'est-à-dire le nombre moyen de visites par visiteur unique, en calculant le rapport entre le nombre de visites et le nombre de visiteurs uniques. Un tel calcul reste bien entendu très approximatif, mais peut permettre d’en extraire certains ordres de grandeur. Ainsi, comme le montre le graphique ci-dessous, on retrouve bien entendu Boursorama en première position, suivie de près par Cortal Consors. Concernant cette dernière, il serait aussi intéressant d’ajouter les statistiques de ses deux autres sites remarqués précédemment afin d’avoir une image un peu plus précise. 

 Graph-taux-fidelisation.png

Enfin, Google Insight propose un certain nombre de données sur les requêtes des internautes. En recueillant le nombre de requêtes sur chaque nom de marques sur l’année 2011 sur la France, on obtient le graphique ci-dessous.

 Graph Interet requetes

Ceci permet ainsi de déterminer les périodes où la marque a le plus d’intérêt pour les internautes. Dans notre cas, on remarque par exemple que Fortuneo, Cortal Consors et Boursorama suscitent plus d’intérêt entre les semaines 31 et 33 par rapport au reste de l’année.

Connaître les moments où le nom de la marque est le plus sollicité sur Google peut-être intéressant. En identifiant des fenêtres de tir par une analyse sur plusieurs années, la marque pourra en tirer parti pour faire passer ses messages plus facilement.

Google Insight propose aussi la liste des recherches associées à chaque requête ainsi que les recherches en plus forte progression. A ce titre, on peut remarquer que pour Fortuneo, les recherches associées en plus forte progression sont liées à ING Direct, Boursorama et BforBank. Cependant, pour Cortal Consors, on n’observe aucune recherche en progression lié à un concurrent.
 
Sylvain Boivin
Article original publié sur le Portail de l'Intelligence Economique ici



06/12/2011

Cecil RHODES et la De Beers, entreprise privée ou Etat dans l’Etat ?

 
L’histoire de l’entreprise De Beers est fondamentalement liée à celle de son fondateur, Cecil RHODES. Pionnier du diamant, ce jeune britannique a su, par son sens inné des affaires, hisser sa petite société au rang des plus grandes firmes diamantaires au monde. Mais cet homme était-il seulement un astucieux homme d’affaires ? Nous verrons que Cecil RHODES s’est aussi distingué par sa place centrale dans la stratégie de conquête coloniale de l’Afrique du Sud par la puissance britannique.
 
Cecil RHODES, homme d’affaires avisé

Né en 1853, Cecil RHODES est un jeune homme brillant mais d’une santé fragile. En 1870, alors étudiant à Oxford, il met entre parenthèses ses études pour partir rejoindre son frère, Herbet, en Afrique du Sud, afin de soigner son asthme.

En 1871, Kimberley devient le pays des diamants. Cecil suit son frère afin de tenter sa chance. Mais son sens des affaires lui dicte, non pas d’acheter les concessions alors en vente, mais de d’abord vendre de l’équipement et des denrées alimentaires aux mineurs. Par les profits réalisés, il rachète peu à peu toutes les concessions pour les rassembler en une concession unique et fonde la De Beers Mining Company, du nom d’une ferme qu’il a racheté sur ses terres.

Il retourne à Oxford en 1876 afin de terminer ses études et à partir de 1885, la presque totalité des concessions de Kimberley lui appartiennent. En 1888, après de multiples négociations, il fusionne sa société avec celle de son unique rival dans la région, Barney BARNATO, et s’octroie alors le monopole du commerce mondial des diamants d’Afrique du Sud.

Néanmoins, l’histoire de Cecil RHODES ne s’arrête pas là. Il ne fut pas seulement un homme d’affaires, mais aussi un homme politique au service de la couronne britannique en pleine époque du « Scramble For Africa », la course à la colonisation africaine.

L’Afrique, enjeu économique et territorial

Au XIXe siècle, l’Afrique est devenue le théâtre d’une compétition entre grandes puissances. La conquête de ce continent a été le reflet des rivalités militaires, stratégiques et commerciales entre la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne et d’autres pays d’Europe.

Pays pauvre au XVIe siècle, l’Angleterre a créé une dynamique de puissance autour du commerce. Pendant le XVIIe siècle, les Anglais ont mis à profit leurs acquisitions en outre-mer en créant la plus grande zone de libre échange et en construisant un modèle de consommation de masse, avec le commerce de produits importés comme le thé, le café, le tabac et le sucre. Le commerce de l'Angleterre avec ses colonies a permis à l'industrie britannique de survivre à plusieurs dépressions économiques, grâce à la vente sur ses marchés captifs. Le commerce avec les colonies était donc pour la couronne son point d’appui au développement et un avantage compétitif par rapport aux autres grandes puissances de l’époque. Il était donc impératif pour celle-ci de sauvegarder son pré carré, comme les Indes, mais aussi de poursuivre ses conquêtes à travers les continents, dont l’Afrique.

Pour mener à bien sa politique d’expansion et administrer ses territoires, la Grande Bretagne exerçait son autorité par le biais d’institutions sous son contrôle. Cependant, l’administration n’a pas toujours été confiée à des représentants directs de la couronne, mais parfois à des compagnies, dont la plus célèbre fut la British South Africa Company, présidée par Cecil RHODES lui-même.

La British South Africa Company, la décentralisation de l’administration des colonies de l’Empire

Cecil RHODES débute sa carrière politique en 1881, en devenant député de Barkly-West à l'assemblée législative du Cap. En 1888, il fonde et prend la présidence de la British South Africa Company (BSAC) et obtient les droits miniers des territoires du Matabeleland du Roi Lobengula. Deux ans plus tard, il est élu Premier Ministre de la colonie du Cap. La reine Victoria lui accorde alors une « Charte Royale » lui donnant mandat afin de d’administrer ces terres. Plus qu’une gestion purement économique des droits miniers, cette charte octroyait à Cecil RHODES une maîtrise quasiment régalienne du territoire. Il avait ainsi le pouvoir de gérer les monopoles et les marchés publics, de contrôler et de distribuer la terre et de lever une force de police. La contrepartie à de tels pouvoirs était l’attachement imposé de la compagnie et de ses actes aux intérêts de la couronne. La BSAC restait en cela soumise à l’approbation du secrétaire d'État aux affaires étrangères et du Commonwealth.

Nous assistons alors à un processus de colonisation privatisée basé sur le mercenariat, mais sans aucun coût pour le contribuable britannique, puisque les frais étaient pris en charge par la BSAC et la De Beers en échange de l’administration de ces territoires. Ces régions sous contrôle probritannique avaient deux avantages : développer le commerce, outil d’accroissement de puissance de l’Empire, et opposer un rempart à la colonisation étrangère de zones limitrophes, comme notamment celle du Transvaal au Sud-Est alors aux mains des Boers, pionniers blancs néerlandophones, et celle des colonies portugaises à l’Ouest.

Avec des pouvoirs dévolus à un gouvernement, la BSAC lève une armée et, avec l’aide de forces britanniques, annexe de force les territoires du Mashonaland, du Matabeleland et du Nyasaland, jusqu’à la région des grands lacs. En parallèle, Cecil RHODES finance l’équipement de missionnaires et de colons afin d’occuper ces nouveaux territoires, qui seront rebaptisés Rhodésie du Nord et Rhodésie du Sud, en l’honneur de son fondateur. Afin de poursuivre l’expansion anglaise, Leander Starr JAMESON, associé de l’homme d’affaires, prend la tête des forces de la BSAC afin de provoquer un soulèvement des ouvriers expatriés britanniques dans la république du Transvaal qui échouera. Cette tentative de coup d’Etat avortée précipitera la chute de Cecil RHODES qui démissionnera de son poste de premier ministre de la colonie du Cap.

Sa société ne produira jamais assez de bénéfices. En 1923, les colons de Rhodésie du Sud obtiennent des droits d’autonomie. La BSAC cessent ses fonctions administratives et vend ses droits miniers au nouveau gouvernement.
Influencé par John RUSKIN pendant ses études à Oxford, Cecil RHODES nourrissait le rêve de créer un axe britannique ferroviaire entre le Caire et le Cap. Ses actes se sont inscrits dans une politique d’expansion de la Grande Bretagne d’accroissement de puissance par l’économie.
 
Sylvain BOIVIN
 
Article publié sur Infoguerre

 

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